Jouer pour « se venger » : est-ce que le chasing des pertes freine vraiment votre progression au poker ?

Ce texte s'adresse aux joueurs qui parlent français de façon naturelle et qui connaissent déjà le vocabulaire de base du poker (buy-in, tilt, bankroll, MTT). On va décortiquer clairement le problème du « get even » (chasing losses), pourquoi ça compte, quelles en sont les causes profondes, et surtout comment le résoudre de façon pratique et progressive. Ton pragmatique, pas de théorie creuse — on veut des liens de cause à effet et des étapes d'implémentation concrètes.

1. Définition claire du problème

Le « chasing losses » — jouer dans le but explicite de récupérer des pertes récentes — se manifeste par des décisions prises principalement pour compenser un run bad, une mauvaise session ou une mauvaise main, plutôt que pour maximiser l'espérance de gain à long terme. Ça peut prendre la forme :

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    d'augmenter son buy-in après un bad beat pour « récupérer plus vite » ; de jouer plus de tables MTT ou de cash game quand on est fatigué ou en tilt ; d'effectuer des plays marginalement négatifs (bluffs non justifiés, overbets) pour essayer d'augmenter variance et gain potentiel immédiatement.

Le comportement peut être ponctuel (une session) ou chronique (pattern récurrent où chaque perte déclenche une réaction émotionnelle et financière).

2. Pourquoi ça importe (cause → effet)

Les conséquences du chasing sont à la fois financières, stratégiques et comportementales. Voici les relations de cause à effet les plus directes :

    Cause : jouer sous l'effet des émotions pour « récupérer ». Effet : prise de décisions suboptimales → EV négative accrue. Cause : sur-tilt et épuisement. Effet : leak amplifié, baisse de qualité du jeu, erreurs basiques (overcalling, iso-fails). Cause : augmentation des buy-ins sans respect du bankroll. Effet : risque de ruine (risk of ruin) et d'exposition à swings qu'on ne peut pas absorber. Cause : pattern émotif non contrôlé. Effet : spiralisation : plus de pertes → plus d'émotion → décisions encore pires.

En clair : chasing crée une boucle rétroactive négative. Là où le poker demande discipline mathématique et gestion du risque, le get even introduit du court-termisme émotionnel qui détruit l'avantage à long terme.

3. Analyse des causes profondes

Le chasing n'apparaît pas par hasard. Pour le corriger il faut remonter aux racines :

3.1 Psychologie et biais cognitifs

    Aversion aux pertes : la douleur d'une perte est psychologiquement plus forte que le plaisir d'un gain équivalent (Prospect Theory). Cela pousse à des comportements réparateurs irrationnels. Biais de contrôle : croire qu'on peut « forcer » la variance à son avantage en agissant plus agressivement. Sunk cost fallacy : vouloir « rentabiliser » du temps ou des buy-ins déjà perdus en restant plus longtemps à la table.

3.2 Manque de discipline et routines

Pas de règles claires sur les limites de session, pas de stop-loss prédéfini, mauvaise gestion du sommeil et du tilt management. Sans routines, une mauvaise session entraîne l'escalade.

3.3 Problèmes techniques ou stratégiques

Certains joueurs confondent variance et compétence : si vous surestimez votre edge, vous serez prompt à augmenter les enjeux pour « matérialiser » votre supposé avantage. À l'inverse, des lacunes techniques (mauvaise sélection de tables, leak non corrigés) accentuent la frustration et incitent au chasing.

3.4 Pressions externes

Objectifs de gains irréalistes, pression pour rentabiliser un bankroll illiquide, ou stress financier externe poussent à la prise de risques non optimisés.

4. La solution — principes fondamentaux

La solution se structure autour de principes simples mais lamateurdepoker.fr exigeants :

    Segmentation émotionnelle : séparer émotion et décision — créer un protocole qui force à évaluer chaque session de façon logique. Règles strictes de bankroll : utiliser des unités, limits multiples, et stop-loss/session clairs. Gestion du tilt : routines préventives et correctives (pause, méditation, échelle de tilt). Amélioration technique continue : travail sur leaks, revue de mains, coaching. Mesure et feedback : tracking précis pour voir l'impact des changements.

Ces principes agissent en chaîne : meilleure discipline → moins de chasing → décisions plus proches de l'EV → bankroll stabilisée → moins d'émotion négative → encore meilleure discipline.

5. Étapes d'implémentation concrètes

Voici un plan pratique, étape par étape, pour remplacer le chasing par un système robuste. Chaque étape est accompagnée d'un lien de cause à effet pour comprendre pourquoi ça marche.

Instaurer des règles de session et des stop-loss

Définissez une perte maximale par session (ex. 3 buy-ins en cash, ou 2 MTT re-entry par jour). Si vous atteignez la limite, arrêtez. Cause → Effet : réduire l'exposition émotionnelle à court terme et interrompre la boucle du chasing.

Unités et gestion du bankroll

Travaillez en unités (1 unité = 1/1000 de bankroll pour cash, ou selon votre tolérance pour MTT). Ne jouez pas au-dessus d'un multiple prédéfini (ex. 1/50 bankroll pour un buy-in). Cause → Effet : limite le risque de ruin et donne un cadre objectif pour escalader ou descendre les limites.

Routine anti-tilt avant et pendant la session

Mise en place d'une check-list avant de jouer : sommeil, alimentation, état émotionnel. Pendant la session, utiliser une échelle de tilt (0-10) : au-dessus de 4, stop. Cause → Effet : réduit la probabilité de jouer en tilt et protège la qualité du jeu.

Journal de session et revue régulière

Chaque session, notez : objectifs, résultats, moments de tilt, mains clés. Revue hebdo pour identifier patterns. Cause → Effet : mettre en lumière les leaks comportementaux et techniques qui causent les pertes.

Plan de récupération contrôlée

Au lieu de « récupérer » en augmentant la variance, adoptez un plan : travail technique, grind à faible variance, volume maîtrisé. Cause → Effet : transforme l'énergie de la frustration en action productive.

Entraînement mental et techniques de régulation

Méditation, exercices de respiration, visualisation d'une session calme. Entraînez-vous à reconnaître les pensées automatiques qui appellent au chasing. Cause → Effet : vous réduisez la réactivité émotionnelle et augmentez la résilience face aux swings.

Backstop financier

Garder une réserve de bankroll séparée pour les périodes où l'on veut jouer en mode « recovery » — mais avec règles strictes. Alternative : financement progressif via objectifs. Cause → Effet : éviter les décisions impulsives quand la bankroll principale est touchée.

Travail technique ciblé

Identifiez vos leaks (via tracker ou coach) et planifiez 1-2 points d'amélioration par semaine. Plus votre edge est réel, moins vous ressentirez le besoin émotionnel de récupérer vite. Cause → Effet : amélioration de l'EV à long terme et confiance basée sur compétence réelle.

6. Résultats attendus (court, moyen et long terme)

Si vous appliquez ces étapes avec discipline, voici ce que vous devriez observer, avec une logique cause → effet :

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    Court terme (1–4 semaines) : réduction immédiate du nombre de sessions en tilt et de l'escalade du buy-in. Effet direct sur les pertes journalières. Moyen terme (1–6 mois) : diminution des leaks comportementaux, amélioration du winrate. Bankroll plus stable, moins de swings destructeurs. Long terme (6–24 mois) : meilleure espérance de gain, possibilité d'up/down de limites selon plan, moins d'impact émotionnel lié aux downswing, carrière de joueur plus durable et plus rentable.

Mesures concrètes à suivre

    Pourcentage de sessions où vous avez atteint le stop-loss. Nombre de sessions interrompues pour tilt. Winrate par 100 mains ou par 1000 MTT entrants. Taux de ROI sur vos tournois.

Points contrarians — quand « chasser » peut avoir du sens

Le conseil classique est « ne chase jamais ». Mais comme pour toute règle, il y a des exceptions et des nuances. Voici des perspectives contraires et leur évaluation :

    Argument : « Parfois il faut être agressif pour profiter d'un tilt adverse. » Contrepoint : jouer agressif pour exploiter un adversaire en tilt est différent de jouer pour récupérer ses pertes personnelles — la première est stratégique, la seconde émotionnelle. Cause → Effet : exploitation raisonnée augmente l'EV ; chasing augmente l'EV négatif. Argument : « Un petit chase contrôlé peut restaurer confiance. » Contrepoint : si cela prend la forme d'un drill structurel (session court, objectif clair, unité de buy-in unique), c'est acceptable. Le problème est l'absence de règle. Cause → Effet : un regroupement contrôlé peut améliorer la confiance sans ruiner la bankroll, alors qu'un chase sans règle mène à ruine. Argument : « Les joueurs pros prennent parfois plus de risque après une mauvaise série. » Contrepoint : les pros ont un edge calculé, une bankroll solide, et planifient ces mouvements. Sans edge mesurable, augmenter la variance reste une mauvaise idée.

Conclusion contrariante synthétique

Ne pas tout interdire : ce n'est pas immoral d'utiliser une session pour « refaire » un mindset si c'est cadré et contrôlé. Mais laisser les émotions décider sans règles, c'est ouvrir la porte à la destruction de bankroll et à la dégradation de la qualité de jeu.

Conclusion pratique et plan d’action immédiat

Résumé ultra-pragmatique : le chasing est une boucle toxique qui amplifie les pertes par réactions émotionnelles. Pour la casser : instaurez des règles (stop-loss, unités), mesurez vos sessions, entraînez-vous mentalement, travaillez vos leaks techniques et adoptez un plan de récupération structuré. Et si vous voulez un exercice immédiat :

Définissez aujourd'hui votre stop-loss par session (ex : 3 buy-ins). Calculez votre unité de bankroll et engagez-vous à la respecter. Écrivez 3 signes de tilt et une action corrective pour chacun (ex : respiration de 3 minutes, quitter la table). Programmez une revue hebdomadaire de 30 minutes pour analyser les mains clefs et la conformité aux règles.

Appliquez ces étapes pendant un mois. Si vous constatez une baisse des sessions de tilt et une stabilisation du bankroll, vous êtes sur la bonne voie. Sinon, renforcez la discipline : réduire les buy-ins, engager un coach, ou prendre une pause complète du jeu pour réinitialiser la relation émotionnelle au poker.

Le poker demande autant d'entraînement mental que de technique. Traiter le chasing comme un leak à corriger, pas comme une faiblesse personnelle, vous donne le pouvoir d'agir. La discipline n'est pas une limitation — c'est l'outil qui transforme votre edge théorique en gain réel et durable.